Une aquaculture durable grâce aux pratiques basées sur la nature

Par Vinij Tansakul

Image by Hadkhanong from Shutterstock.

L’aquaculture, c’est à dire la culture d’organismes aquatiques, peut être divisée en plusieurs genres selon l’ampleur de la gestion et de l’utilisation des ressources. En gros, ces genres se répartissent en quatre catégories principales : élevage extensif, semi-intensif, intensif et super-intensif. Chaque catégorie possède des caractéristiques et des avantages distincts et pose des défis différents (Oddsson 2020).

L’aquaculture extensive est un régime d’aquaculture traditionnel qui utilise les plans d’eau naturels tels que les étangs ou les rivières. Les poissons sont élevés avec peu d’intervention et alimentés surtout de sources naturelles telles que les algues et les petits organismes aquatiques. Grace à la faible densité de peuplement et la gestion restreinte, l’aquaculture extensive se caractérise par des coûts de production modestes. Cependant, ce régime entraîne également des rendements faibles et imprévisibles, ce qui le rend souvent mieux adapté à l’élevage de subsistance plutôt qu’à la production commerciale.

L’aquaculture semi-intensive combine l’alimentation naturelle et l’alimentation artificielle dans une approche hybride. Quoique les poissons se nourrissent toujours de sources alimentaires naturelles, des aliments complémentaires et des engrais sont introduits afin d’améliorer la productivité. La qualité de l’eau est surveillée et contrôlée pour optimiser les conditions de croissance. Cette méthode offre une production plus élevée que l’aquaculture extensive, mais elle nécessite des coûts de gestion et d’alimentation plus élevés.

La culture intensive implique l’élevage de poissons dans des espaces confinés et incorpore un contrôle sérieux des facteurs environnementaux. Les poissons sont nourris suivant un régime alimentaire contrôlé. La qualité de l’eau est surveillée attentivement et gérée au moyen, par exemple, de systèmes d’aquaculture en recirculation (SAR). Cette approche permet un stockage à haute densité et une croissance rapide, ce qui entraine des rendements nettement plus élevés. Toutefois, la culture intensive exige des investissements substantiels en infrastructure, en alimentation et en main-d’œuvre, et comporte un risque plus élevé d’épidémies.

La culture super-intensive représente le pic technologique de la pisciculture avancée. Elle compte largement sur des systèmes sophistiqués comme SAR pour créer des conditions de croissance optimales. Au moyen d’un contrôle précis de la qualité, de la température et des niveaux d’oxygène de l’eau, l’aquaculture super-intensive permet une densité de stockage extrêmement élevée et une production qui dure toute l’année. Bien qu’elle offre les rendements les plus élevés, la culture super-intensive demande de même un investissement de capitaux considérables, une expertise technique et une gestion rigoureuse afin de minimiser les risques.

GenreCaractéristiqueAvantageDésavantage
ExtensiveUtilisez les zones d’eau naturelleCoût minimeProductivité faible
Semi- intensiveCombinez des aliments naturels et des suppléments alimentairesProductivité élevéeCoûts de gestion élevés
IntensiveContrôlez la qualité de l’eau et fournissez une alimentation continueRendement élevéCoûts d’exploitation élevés
Super-intensiveUtilisez la technologie avancéeRendement maximalInvestissement initial élevé
Résumé des catégories d’aquaculture et de leurs différences.

De toute évidence, seuls les deux premiers genres, extensif et semi-intensif, pourraient porter l’insigne “Aquaculture basée sur la nature”.

La pisciculture est en train d’éprouver une transformation rapide, motivée par la demande croissante pour une production aquacole durable et efficace. Quoique les progrès technologiques offrent des solutions prometteuses, une approche plus traditionnelle, qui accentue la qualité plutôt que la quantité, gagne du terrain. Cette philosophie « moins, c’est plus » s’aligne avec les principes de l’aquaculture basée sur la nature, c’est-à-dire avec une approche durable et respectueuse de l’environnement qui met en jeu les capacités des écosystèmes naturels.

En quoi consiste l’aquaculture basée sur la nature?

L’aquaculture basée sur la nature est une méthode d’élevage qui utilise en premier lieu les ressources naturelles et les processus écologiques pour faire la culture d’organismes aquatiques. Parce qu’elle imite les environnements naturels, cette approche réduit la dépendance aux produits chimiques, aux aliments artificiels et aux technologies à forte consommation d’énergie. En fait, l’aquaculture basée sur la nature encourage la création d’écosystèmes sains dans les bassins d’aquaculture, la promotion de la biodiversité et la réduction de l’impact environnemental.

Principaux avantages environnementaux et économiques de l’aquaculture basée sur la nature

En encourageant la croissance d’aliments naturels tels que les plantes aquatiques et le plancton, l’aquaculture basée sur la nature réduit le besoin d’aliments artificiels. Ceci diminue non seulement les coûts de production mais aussi la pollution de l’eau créée par les excès d’aliments. De plus, un écosystème diversifié dans les bassins d’aquaculture peut aider à contrôler les épidémies de maladies. En fournissant des habitats aux organismes bénéfiques, tels que les oiseaux piscivores et les insectes aquatiques, les aquaculteurs peuvent contrôler naturellement les animaux nuisibles et les agents pathogènes que l’on trouve souvent dans les bassins intensifs.

Les systèmes d’aquaculture basés sur la nature comptent souvent sur le débit naturel de l’eau et sur l’énergie solaire pour le fonctionnement de leurs opérations. Cela réduit la dépendance aux combustibles fossiles et minimise les émissions de gaz à effet de serre. De plus, la filtration de l’eau par l’utilisation de plantes aquatiques peut réduire davantage les besoins énergétiques. Ces systèmes offrent aussi une approche aquacole durable qui donne la priorité à la santé et au bien-être des animaux aquatiques. L’élevage d’organismes dans des systèmes qui imitent étroitement les environnements naturels favorise un système immunitaire plus fort et une adaptabilité plus grande. Cette résilience accrue conduit à des animaux plus sains et plus robustes ayant des taux de survie plus élevés, même dans des conditions difficiles.

L’aquaculture basée sur la nature présente comme atout majeur la réduction des coûts opérationnels. En minimisant leur dépendance aux intrants à forte intensité énergétique tels que les aliments artificiels et les produits chimiques, les aquaculteurs peuvent réduire leurs dépenses totales de production. Bien que les rendements obtenus puissent être inférieurs à ceux des systèmes de bassins intensifs, cette structure de coûts plus bas peut mener à un modèle économique plus rentable.

En outre, les consommateurs modernes sont de plus en plus conscients des problèmes environnementaux et recherchent des produits et sûrs et durables. L’aquaculture basée sur la nature, qui est alignée sur ces priorités, peut tirer parti d’un marché croissant pour les produits naturels non-contaminés. Un tel positionnement premium permet aux producteurs de vendre à des prix plus élevés et d’augmenter ainsi leurs revenus.

Les entreprises qui adoptent les pratiques d’aquaculture respectueuses de l’environnement peuvent bénéficier de politiques de soutien et d’initiatives de financement qui favorisent le développement durable. De plus, la capacité de fournir des produits répondant aux normes internationales strictes en matière de durabilité présente des possibilités de marchés d’exportation lucratifs.

C’est ainsi qu’en choisissant l’aquaculture basée sur la nature, l’industrie peut évoluer vers un avenir plus durable et plus résilient. En effet, cette approche favorise non seulement l’environnement, mais fournit également des produits de haute qualité et de haute gamme qui répondent à la demande croissante des consommateurs pour des aliments durables et issus de sources éthiques. L’aquaculture basée sur la nature produit ainsi des rendements économiques substantiels lorsque ces aliments sont commercialisés ingénieusement.

Exemples d’aquaculture basée sur la nature

Trois exemples d’aquaculture basée sur la nature sont présentés ci-dessous.

Le premier consiste dans l’élevage quasi-bio de crevettes et de crabes. Cette méthode exploite des plans d’eau préexistants comme des étangs à proximité de canaux ou d’estuaires. Grâce à une gérance stratégique du débit de l’eau et une intégration des sources alimentaires naturelles comme les plantes aquatiques et les petits organismes, les aquaculteurs peuvent réduire leur dépendance aux aliments artificiels. De plus, ces crevettes et crabes élevés naturellement sont souvent vendus à prix forts sur le marché (Trangstory Thailand 2024).

Le deuxième exemple est d’un système de polyculture dans lequel l’on élève plusieurs espèces aquatiques dans le même étang afin de créer un écosystème équilibré. Par exemple, les poissons qui y sont insérés consomment les algues qui pourraient autrement causer des problèmes aux crevettes. À leur tour, les crevettes consomment de petits vers, contribuant ainsi à un environnement aquatique plus propre. Cela décroît le besoin de produits chimiques employés contre les animaux nuisibles et les algues. La ferme Prapaphan dans la province de Nakhon Pathom, en Thaïlande, fourni un exemple de cette approche. Là, le tilapia du Nil et les crevettes blanches sont élevés ensemble en employant la technique d’aquaculture multi-trophique intégrée (AMTI). Les déchets et les restes de nourriture des crevettes sont utilisés par les poissons, favorisant ainsi un environnement aquacole sain. Cette stratégie améliore et la durabilité et les rendements économiques pour l’aquaculteur (Walker 2024).

Le troisième exemple est fourni par l’élevage de tilapias dans des étangs naturels et des rizières. Ce système exploite les plantes aquatiques sur place et les algues naturelles comme sources principales de nourriture pour les tilapias. Cette méthode réduit le besoin de nutriments supplémentaires tout en filtrant l’eau naturellement (Ngamsnae and Samnao 2024; Ngamsnae 2024).

Les défis à l’aquaculture basée sur la nature

L’aquaculture basée sur la nature présente une approche durable et respectueuse de l’environnement pour la production aquacole. Cependant, cette méthode prometteuse n’est pas sans défis.

Un obstacle majeur est la dépendance aux sources d’eau naturelles. En effet, celles-ci peuvent occasionner des variations importantes dans la qualité de l’eau. Pendant les saisons sèches, le débit d’eau peut diminuer, ce qui entraîne une réduction des échanges d’eau et une accumulation potentielle de déchets. Inversement, de fortes pluies peuvent amener des nutriments en excès et des sédiments, touchant ainsi de façon négative les organismes aquatiques. Les aquaculteurs doivent posséder une connaissance approfondie de la gestion de la qualité de l’eau pour atténuer ces risques. De plus, les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les canicules et les fortes pluies, peuvent constituer des menaces importantes pour l’aquaculture naturelle. Ces fluctuations peuvent provoquer des changements spectaculaires dans la température de l’eau, dans la salinité et dans les niveaux d’oxygène, et donc peuvent stresser et même tuer les organismes aquatiques.

Les rendements irréguliers constituent une autre préoccupation pour les systèmes d’aquaculture basés sur la nature. En fait, le recours aux processus naturels peut amener des rendements irréguliers, tant en termes de quantité que de taille. Vue cette variabilité, il peut être difficile de satisfaire les demandes du marché et le maintien de prix stables. Un autre facteur à prendre en compte pour l’aquaculture naturelle est le fait qu’elle nécessite généralement des superficies d’eau plus grandes que les systèmes d’aquaculture intensive. Bien que les terrains sous-utilisés puissent être réaffectées à ce système, l’acquisition de grandes parcelles de terrain à cette fin peut être coûteuse et n’est pas toujours possible.

La sélection rigoureuse du site est donc essentielle pour garantir les conditions optimales requises par l’aquaculture basée sur la nature.

Recommandations aux intervenants

Les intervenants intéressés à mettre en pratique l’aquaculture basée sur la nature, pour répondre aux exigences croissantes du marché et de la durabilité, doivent à tout prix faire une planification et une mise en œuvre systématique.

Le choix du site sera essentiel. C’est pourquoi les planificateurs doivent surtout choisir des zones à forte biodiversité, comme les zones côtières ou les plans d’eau à l’intérieur dotés de ressources naturelles abondantes. Ceci permettra et de garantir l’accès à des sources d’eaux propres exemptes de pollution et aussi de maintenir la qualité optimale de l’eau. De plus, la conception des étangs et leur gestion doivent être étudiées soigneusement. Les systèmes d’étangs ouverts favorisent l’écoulement naturel de l’eau, ce qui améliore la biodiversité et le cycle des nutriments. Si nécessaire, l’on introduit des améliorations de l’habitat au moyen de plantes et structures aquatiques afin de créer des habitats diversifiés pour les organismes bénéfiques.

Une autre mesure importante est la gestion de la qualité de l’eau. Les aquaculteurs doivent employer les méthodes de filtration biologique, comme les algues et les plantes aquatiques, afin de réduire la nécessité de traitements chimiques. Cela peut être réalisé dans le cadre de la polyculture, qui permet la culture de plusieurs espèces dans le même étang, imite les écosystèmes naturels et accroit la productivité générale, tout en améliorant la résistance aux maladies et la qualité de l’eau. Il est aussi conseillé de préparer des plans d’urgence pour faire face aux problèmes potentiels, tels que les phénomènes météorologiques extrêmes et les fluctuations de la qualité de l’eau. La surveillance assidue et les systèmes d’alerte anticipée peuvent aider à atténuer les risques et à prévenir les pertes.

Les universitaires peuvent contribuer à l’aquaculture basée sur la nature en concentrant leurs recherches sur l’identification des espèces les plus appropriées et le développement de technologies d’aquaculture les plus durables. Ils peuvent aussi contribuer en explorant des approches novatrices destinées à la réduction de la consommation d’énergie et des impacts environnementaux. Les gouvernements et les services de vulgarisation peuvent soutenir les aquaculteurs en fournissant des cours d’instruction et en renforçant leurs capacités. Ceci comporte des instructions détaillées sur la gestion des écosystèmes, la prévention des maladies et les pratiques durables. Le tout a pour but d’aider les aquaculteurs à prendre des décisions éclairées et à s’adapter aux conditions environnementales changeantes.

Le secteur privé, de son côté, peut mettre en valeur les analyses du marché, encourager les certifications de durabilité, et promouvoir les avantages environnementaux et sociaux des produits aquacoles basés sur la nature auprès des marchés de niche. Ce secteur pourra, de cette façon, confirmer les mérites des pratiques durables, améliorer l’accès au marché, et ainsi contribuer au développement d’une industrie aquacole plus durable et plus résiliente.

Un avenir durable pour l’aquaculture

L’aquaculture basée sur la nature représente une approche prometteuse parce qu’elle priorise la durabilité environnementale, réduit la dépendance aux produits chimiques et à l’énergie et favorise la biodiversité. Au moyen des capacités propres aux écosystèmes naturels, l’aquaculture basée sur la nature fournit aux animaux aquatiques un régime alimentaire naturel composé de plancton, de plantes aquatiques et de petits organismes aquatiques, réduisant ainsi considérablement le besoin d’aliments commerciaux coûteux. Cette approche réduit au minimum non seulement l’impact environnemental de l’aquaculture, mais améliore également la santé et le bien-être des animaux aquatiques, réduisant ainsi les risques de maladies associées à l’accumulation de déchets que l’on observe dans les systèmes traditionnels à étang fermé.

Du point de vue économique, l’aquaculture basée sur la nature offre de nombreux avantages. Parce qu’elle fournit des aliments sans contamination, elle peut obtenir des prix plus élevés sur les marchés sensibilisés à la durabilité, y compris les marchés d’exportation qui donnent la priorité aux méthodes de production respectueuses de l’environnement. De plus, les projets d’aquaculture basée sur la nature peuvent bénéficier d’un soutien financier et d’occasions promotionnelles de la part d’agences vouées au développement durable.

En bref, une mise en œuvre réussie de l’aquaculture basée sur la nature exige une compréhension solide de l’écologie aquatique, de la restauration des écosystèmes et de la conservation de la biodiversité. Les aquaculteurs doivent être bien versés dans ces domaines dans le but de minimiser les impacts environnementaux et de maximiser les avantages de leurs entreprises.

En fin de compte, l’aquaculture basée sur la nature se révèle être une méthode d’aquaculture viable qui peut augmenter la rentabilité, satisfaire les exigences des consommateurs modernes et préserver l’équilibre fragile des écosystèmes naturels. En adoptant une aquaculture basée sur la nature et des pratiques respectueuses de l’environnement, l’industrie aquacole peut contribuer à un avenir plus durable.